Au Québec, l’accès aux plans d’eau soulève souvent des interrogations. Entre accès publics ou privées, comprendre ses droits et responsabilités est essentiel pour profiter de la baignade ou de la nage en eau libre. Cet article vise à clarifier ces distinctions.
Les plans d’eau au Québec : un bien public, mais sous conditions
Au Québec, les plans d’eau sont reconnus comme un bien public. Cependant, deux notions importantes du Code civil doivent être considérées : le droit d’accès et le droit d’usage.
L’article 919 du Code civil stipule que « le lit des lacs et des cours d’eau navigables et flottables est, jusqu’à la ligne des hautes eaux, la propriété de l’État ». Cela signifie que tous les citoyens québécois ont le droit d’occuper ces cours d’eau, puisqu’ils sont publics. Toutefois, l’article 920 précise que « toute personne peut circuler sur les cours d’eau et les lacs, à la condition de pouvoir y accéder légalement, de ne pas porter atteinte aux droits des propriétaires riverains, de ne pas prendre pied sur les berges et de respecter les conditions d’utilisation de l’eau ».
Ainsi, même si le lac ou la rivière où vous souhaitez pratiquer la nage en eau libre appartient à l’État, l’accès peut s’avérer impossible sans l’autorisation préalable d’un propriétaire vous offrant un point d’entrée, peu importe son statut.
Accès public : des règles qui varient selon les lieux
Qui est le propriétaire qui vous autorise un point d'entrée? Lorsque ce dernier est une instance publique (fédérale, provincial ou municipale), on peut dire qu'il est de statut public. Dans plusieurs cas, la gestion des terrains donnant accès à des cours d'eau a été déléguée à des organismes parapublics gérés par des conseils d'administration.
Ces instances, publiques ou parapubliques, peuvent réglementer ces accès selon leurs propres critères. Par exemple, une municipalité peut choisir de limiter l’accès à ses plans d’eau seulement à ses résidents ou exiger des droits d’entrée payants.
Il arrive également qu’un accès par un terrain ayant un statut public devienne inaccessible ou qu’il soit converti en espace protégé. La rareté des points d’accès près des centres urbains oblige certaines municipalités, pourtant de statut public, à limiter l’affluence, parfois pour des raisons légitimes. Pourtant, il semble que pour préserver ces lieux tout en répondant à la demande croissante, il serait essentiel d’encourager une répartition plus équilibrée de l’achalandage et de multiplier les accès afin de réduire les impacts sur l’environnement.
Parfois, c'est l'activité de la nage elle-même qui est interdite. En effet, il n'est pas rare de voir des affiches interdisant la nage, tandis que d'autres activités nautiques, comme la planche à pagaie, le kayak ou le canot, sont permises. La nage est souvent perçue comme une activité plus risquée par les propriétaires des accès, qu'ils soient de statut public ou privé.
La Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection stipule que le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs peut prendre des mesures pour favoriser l'accès public aux plans d'eau, conformément à l'article 920 du Code civil. Peut-on espérer que la nage en eau libre sera bientôt considérée comme une activité aquatique au même titre que les autres par les instances publiques, facilitant ainsi un meilleur accès aux cours d’eau?
Exemples d'accès public sans restriction:
Exemples d'accès public ou parapublic avec restriction (ex: frais d'accès) :
Exemple d'accès public restreint aux résidents:
Accès privé : des règles spécifiques à respecter
Si vous êtes propriétaire d’un terrain donnant accès à un cours d’eau, vous bénéficiez d’une liberté complète pour entrer dans l'eau. Cependant, il ne faut pas se leurrer : nager en toute autonomie dans un lac ou une rivière sauvage, loin des foules, reste un privilège difficile d’accès, surtout à proximité des zones densément peuplées.
Vous n'êtes pas les seuls à vouloir accéder à l'eau. Ainsi, dans des zones à forte densité, vous devez cohabiter avec d'autres utilisateurs comme les embarcations motorisées ou autres embarcations à propulsion humaine.
Les accès privés peuvent aussi être gérés par des entreprises, des personnes morales ou des corporations. On peut mettre dans ces catégories les auberges, les camps de vacances ou les campings. Chaque lieu a ses propres règles et tolérances.
Plusieurs de ces accès sont considérés comme des sites non supervisés. Selon la Société de sauvetage, dans son Guide de bonnes pratiques à l’intention des propriétaires et exploitants de sites riverains, les sites non supervisés sont définis comme des environnements aquatiques qui ne sont pas assujettis aux dispositions spécifiques du Code de construction ni au Règlement sur la sécurité dans les bains publics, notamment en ce qui concerne la qualification et la présence de surveillants. Ce guide recommande que les exploitants de sites riverains interdisent la baignade s'ils n'ont pas l'intention d'en assurer la sécurité conformément à ce règlement. Cela illustre bien la difficulté rencontrée par les nageurs et nageuses pour obtenir l'autorisation de nager en dehors des zones de surveillance délimitées.
Lorsque vous accédez à un plan d’eau via une propriété privée, il est essentiel de demander l’autorisation du propriétaire et de respecter les conditions établies. Cela garantit une cohabitation respectueuse et peut encourager les propriétaires à continuer d’offrir des accès.
Exemples d'accès privé avec restriction (ex: frais d'accès) :
Accès inconnu : agir avec prudence et respect
Il peut arriver que vous découvriez un cours d’eau lors d’une randonnée ou près de chez vous, avec un accès non aménagé mais qui vous semble sécuritaire. Dans ces situations, vous ignorez souvent si le propriétaire est public ou privé, et rien sur place ne permet de l’identifier clairement. Pourtant, vous êtes sans aucun doute sur une propriété, qu’elle soit publique ou privée.
Par contre, si vous voyez un panneau indiquant qu'il est interdit de nager, on peut supposer que le propriétaire, peu importe son statut, a pris le temps d’indiquer cette interdiction. En cas de doute, il est recommandé de vous renseigner auprès des autorités locales ou des résidents avant d’utiliser l’accès. Cela vous évitera des conflits potentiels, vous permettra de mieux connaître les dangers éventuels que vous n’auriez pas remarqués et vous offrira la possibilité de profiter de votre expérience en toute légalité.
Conclusion : conjuguer liberté, responsabilité et exploration
La nage en eau libre au Québec offre une diversité d’expériences inégalée, mais elle s’accompagne d’une responsabilité partagée. Comprendre les distinctions entre les accès publics et privés est essentiel pour profiter de ces espaces tout en respectant les règles, les propriétaires et l’environnement.
Cependant, il est important de souligner que le statut public ou privé de l'accès ne détermine en rien le type d’expérience que vous pouvez vivre en pratiquant la nage en eau libre. Aussi, il ne faut pas confondre son statut avec la notion de liberté ou de restriction. En créant les cartes du site, nous avons découvert des endroits dont l'accès est facilité par des propriétaires de statut privé (auberge, écocentres, camping, citoyen) et où la nage en eau libre est beaucoup plus accessible que dans plusieurs endroits où l'exploitant est d'instance provincial ou municipal. Les exemples dans la section des accès public le démontre : l'accès n'est pas garantie par le statut public de son propriétaire.
Donc, le type d’expérience que vous recherchez — qu’il s’agisse d’une exploration en autonomie, d’un défi sportif ou d’une baignade contemplative — n’est pas liée au statut de l’accès.
C’est ce que nous allons découvrir dans un prochain article sur les types d'expériences. 😉
Bibliographie si vous désirez poursuivre votre réflexion:
Guide de bonnes pratiques à l’intention des propriétaires et exploitants de sites riverains
Pour un véritable accès aux plans d’eau, article publié dans le Devoir, 2020.
Les Québécois ont de moins en moins accès à leurs plans d’eau. Voici quoi faire pour que ça change, François Brissette et Annie Poulin, Groupe de recherche HC3 - Hydrologie Climat & Changement Climatique, École de technologie supérieure (ÉTS)
Marie-Claire Fortin
Fondatrice du site Nage en eau libre Québec, nageuse récréative et passionnée, elle souhaite aider les nageurs à trouver des sites où pratiquer la nage en eau libre en toute sécurité et que les propriétaires qui peuvent permettre des accès soient sensibilisés et embarquent dans le mouvement.