Où peut-on nager en eau libre au Québec?
En juillet 2023, j'ai entrepris un voyage en Angleterre pour participer au Bantham Swoosh, une épreuve de natation en rivière d'environ 5 kilomètres. Ma décision de m'engager dans cette aventure fut inspirée par les images captivantes des éditions précédentes diffusées sur le site internet de l'organisation Level Water. Une fois mon inscription complétée, une collecte de fonds pour y assurer ma présence, un vol Québec-Londres, plusieurs trajets en train jusqu'à Kingsbridge puis un bus jusqu'à Aveton Gifford, je pu enfin réaliser mon rêve: participer à un événement de nage en eau libre rassemblant 800 nageuses et nageurs enthousiastes.
L'expérience inoubliable ne se limitait pas qu’au défi sportif relativement accessible à tout nageur moyen s’étant entraîné un minimum. C'était surtout le sentiment de communauté et de bonheur partagé par tous! Des participants de divers horizons, de tous âges et de différentes morphologies; en tant que nageuse récréative québécoise, cette expérience était pour moi sans précédent.
Il faut savoir que le nombre de participants est limité à 800 et que les droits d'entrée s'envolent rapidement. Aussi, les organisateurs priorisent les participants qui s'engagent à récolter des fonds. Les places restantes sont ensuite tirées au sort parmi des centaines de personnes qui souhaitent y participer.
Photo : @photosbyjessross__
Au Québec, la culture de la nage en eau libre demeure encore largement méconnue. Nombreuses sont les personnes qui remettent en question sa légalité ou même, par méconnaissance, expriment leurs préoccupations quant aux risques potentiels pour la santé dû à la pollution de l'eau. Quand je mentionne être une adepte de cette activité, on ne comprend souvent pas de quoi je parle. On me questionne alors sur des défis tels que la traversée de la Manche ou la traversée du lac Saint-Jean. Pour la majorité de mes interlocuteurs, ces références constituent souvent leur principale connaissance sur le sujet.
Les triathlètes, par exemple, sont souvent perplexes lorsqu’ils découvrent la nage en eau libre qui constitue alors un passage obligé avant le vélo et la course à pied. Pourquoi ne pas envisager la nage, non pas comme une contrainte, mais comme une activité plaisante permettant de s'immerger en pleine nature comme on le ferait lors d’une randonnée en forêt? Nager en eau libre c’est se permettre de fusionner avec la nature, c’est profiter d’un moment pour bouger, socialiser et s'entraîner loin des couloirs contraignants et parfois monotones de la piscine. C’est dans cette immensité, en toute liberté, qu’on se découvre véritablement. Cette vastitude, on la ressent. Elle impressionne et apaise tout à la fois.
C'est dans cet esprit que j'ai créé en 2023 le site internet Moi j'nage: un désir immense de mieux faire connaître les bienfaits de cette activité sportive en plein air.
Au Québec, les plans d'eau sont considérés comme des biens publics… à condition de pouvoir y accéder! Ce défi survient lorsqu'un lac ou une rivière sont entièrement entourés par des terrains privés; l'accès y est alors limité. Bien qu’il existe beaucoup d'espaces sauvages avec de grands lacs, la plupart des Québécois (moi la première!) n'y résident pas ou ne possèdent pas de terrain privé permettant l’accès à un plan d'eau. De la même manière, 80% de la population habite près du fleuve Saint-Laurent mais pourtant les craintes liées aux marées, aux courants et à la pollution suffisent à en décourager l'exploration par la nage. Personnellement, je ne saurais tout simplement pas à quel endroit tenter de m'y aventurer. Nager en eau libre et s’adonner à des actes illégaux ou dangereux ne vont pas de pair!
Un exemple de lacs avec accès privatisés - Google Earth
Depuis de nombreuses années, une question fondamentale persiste : où peut-on nager en eau libre au Québec? Il y aura toujours des nageurs affirmant connaître plusieurs endroits mais ceux-ci sont souvent clandestins. D’autres estiment même qu'aucune permission ne devrait être requise pour nager partout au Québec. L'identification de lieux d'accès incertains n'est pas ma mission. Mais je souhaite ardemment que la nage en eau libre soit autorisée et encouragée dans le plus grand nombre d'endroits possibles et que des accès publics soient aménagés tant près des centres urbains que dans des lacs éloignés des grands centres.
Depuis deux ans, mes recherches m'ont permis d'identifier plus d'une centaine d'endroits où la nage en eau libre semble autorisée mais avec plus ou moins de certitude. Le territoire est énorme à couvrir et à connaître. Depuis le début, je compte sur la contribution de tous pour enrichir la section du site internet “Lever la main !” . Beaucoup d'informations sont manquantes. J’ai aussi identifié une quarantaine d’endroits où la pratique est encouragée et même encadrée de diverses façons par les propriétaires d’accès. Depuis, je rêve d’aller les visiter et de les explorer.
Je crois que la découverte de ces sites et l’éducation peuvent encourager d'autres propriétaires d'accès à rendre la nage en eau libre accessible et sécuritaire au plus grand nombre.
Alors je me lance enfin. Cet été je tenterai de visiter et de documenter une vingtaine de ces sites. Je souhaite colliger des données sur chaque site, rencontrer des nageuses et nageurs locaux et vous faire découvrir ces havres de joie où la nature et la camaraderie s'entremêlent.
Plan de tournée 2024 - Google Earth
J'espère que vous me suivrez dans cette aventure et que vous me partagerez les vôtres!
Au plaisir de vous croiser près d’un plan d’eau.
Marie-Claire Fortin
Fondatrice du site Nage en eau libre Québec, nageuse récréative et passionnée, elle souhaite aider les nageurs à trouver des sites où pratiquer la nage en eau libre en toute sécurité et que les propriétaires qui peuvent permettre des accès soient sensibilisés et embarquent dans le mouvement.